TÉMOIGNAGES
paroles de sous-titreurs et de sourds/malentendants
LE POINT DE VUE D'UNE SOUS-TITREUSE
envoyé par mail au collectif SOS pour la VSM en avril 2019 (souhaite garder l'anonymat)
Bonjour,
Je suis sous-titreuse SME, je travaille en tant qu'adaptatrice indépendante depuis 2010, et j'ai moi-même constaté la baisse des tarifs et le mépris de notre travail par les laboratoires de sous-titrage et les consommateurs de sous-titres.
Ce que je trouve le plus affligeant dans la profession, c'est le défaitisme des indépendants qui ne jurent que par "la solidarité". Est-ce du défaitisme ou un optimisme naïf ? Je ne sais pas. Mais il est certain que le "serrage de coudes" et la "solidarité" n'ont jamais réussi à faire progresser nos conditions de travail. La preuve, le tarif SME est passé de 13 euros la minute à 4 euros en moyenne en environ 10 ans. On a beau se serrer les coudes et refuser les offres indécentes, ça n'empêche pas les tarifs de baisser.
La devise "si tout le monde refusait les tarifs indécents" est malheureusement partagée par la majorité des traducteurs (de l'audiovisuel ou non), mais ne résout en rien notre problème car :
- Il y aura toujours quelques malins pour faire baisser les tarifs
- Il y aura toujours des gens pour qui refuser ces tarifs est synonyme de changer de profession. Or, pour beaucoup d'entre nous, changer de profession est quasi impossible, car la traduction audiovisuelle est notre seule compétence. Pour ma part, et je ne suis pas la seule dans cette situation, je n'ai aucune compétences ou expérience dans l'enseignement, la vente, le marketing, la "relation-client", le secrétariat, etc. Me "reconvertir", ce terme à la mode, n'est pas une possibilité. Je n'ai aucune expérience désirable pour de futurs employeurs.
Si nous voulons que notre profession soit revalorisée (voire valorisée, tout simplement) et rémunérée correctement, il nous faut l'aide de l'Etat et des lois. Aucun laboratoire (et diffuseur) ne devrait avoir le droit d'imposer des tarifs en-dessous du minimum syndical. Car oui, les tarifs ne sont pas proposés, mais bel et bien imposés par les laboratoires. Combien d'adaptateurs se sont vus demander leurs tarifs pour ensuite se voir répondre "Nous payons X € par minute." Il n'y a presque aucune négociation possible, c'est du "à prendre ou à laisser". Et aucun professionnel non plus ne devrait avoir le droit de demander un tarif en-dessous du minimum syndical. La concurrence déloyale devrait s'appliquer à toutes les professions.
Il me semble également primordial d'imposer l'affichage du nom de l'adaptateur en fin de programme sous-titré pour les malentendants. En effet, comment en vouloir à la majorité des gens qui ignorent que ce sous-titrage est fait par des êtres humains ? Quand je dis aux gens ce que je fais dans la vie, on me répond le plus souvent "Ah bon ? On paie des gens pour faire ça ? / Ce sont des gens qui font ça ?" Parce que oui, si notre nom n'apparaît pas, on peut facilement penser que le SME est effectué par un ordinateur.